Coups de gueule
Voyez comme je sens que la fin est proche. Plus que trois semaines avant de quitter Battambang... Bon ce sera pour retrouver mes parents à Bangkok et visiter la Thaïlande et (encore^^) le Cambodge pendant trois semaines :p Mais quand même c'est la fin d'une sacrée tranche de vie. Et je réalise que j'ai plein de choses à raconter ici. Même si certain(e)s ;) me reprochent de moins poster qu'en Finlande, j'ai une très bonne excuse, d'abord. Déjà je n'ai pas internet à la maison. Et surtout, la connexion au bureau est, comment dire, capricieuse. Hyper lente... quand elle fonctionne.
Cela étant dit, quelques coups de gueule, parce qu'il en faut pour tous les pays!
'Tention, nous voilà de retour au Moyen-Âge! Cette fois je ne veux pas évoquer la pauvreté de la campagne cambodgienne, non non, je veux parler de notre Occident à nous, avec un grand O, si moderne, évolué et civilisé (ça rappelle un certain projet de civilisation...). Tellement convaincu des bienfaits de sa civilisation d'ailleurs, qu'il envoie encore des missionnaires cathos en terre barbare. Si si je les ai vu ces jeunes missionnaires, braves croyants bien-pensants et bien mis, de la chemise immaculée boutonnée jusqu'en haut, au casque de vélo attaché sous le menton, en passant par les boutons plein la gueule. Ils apprennent le Khmer histoire de mieux convertir les masses. La technique pour attirer les enfants du pays, bouddhiste jusqu'au bout des crânes tondus? Fastoche : proposer des cours d'anglais pas chers, voire même gratuits, enseignés par des native-speakers (américains, australiens etc), cours portant sur... la bible bien sûr. Quelle honnêteté d'esprit, quel dévouement pour dieu le père! Croissez et multipliez, paraît qu'il aurait dit, et surtout multipliez les fidèles.
J'adore
ce genre de slogan publicitaire. J'ai envie de répondre :
ouais et alors? j'le connais pas ce mec.
Alors que j'assiste à mon cours de khmer chez ma prof, cambodgienne d'un certain âge enseignant le français au centre culturel français de Battambang, des avés marias et autres latineries nous parviennent de l'église d'à côté (à moins que ce ne soit un centre de lavage de cerveau. cf photos ci-dessus), contrastant avec les geigneries des bonzes qu'on entend à longueur de journée. Après avoir toutes deux vertement enfoncé ces pratiques missionnaires, elle me demande ce que je pense des religions. Ma réponse, prudente : « j'essaie d'être tolérante, du moment qu'ils évitent le prosélytisme. » Et elle de me rétorquer: « mais de toute façon, la religion, ce n'est que cela, essayer de convertir le plus possible! » Mouarf!
C'pas faux, comme dirait l'autre. N'empêche, je croyais les missionnaires être un concept d'un autre millénaire. Tout comme la guerre contre "l'Axe du Mal" tu me diras. On régresse les amis on régresse!
Un autre coup de gueule, pour la route, car faut bien que je me défoule (cf adresse web du blog). La pression du quand-dira-t'on au Cambodge, et je pense en Asie en général, est assez incroyable, même si elle est pas mal chez nous aussi dans certains coins. Mais à ce stade il faudrait remonter 50 ans en arrière pour trouver l'équivalent. J'ai dit (l'ai-je dit?) que les khmers sont très pudiques, c'est pour ça qu'ils ne se baignent pas en maillot de bain. Mais ça va beaucoup plus loin que cela, même la vie privée est toute en retenue, on n'imagine pas. Exemple véridique : une fille et un garçon d'environ 22 ans, ensemble depuis 2 ou 3 ans (mais pas mariés, 'tention), pour toute effusion d'amour, se contentent de se tenir la main, et de se faire des bisous...sur la joue. Tout cela dans la plus stricte intimité heulâ! et surtout pas en public.
Certains couples cependant osent se tenir la main « en se fichant pas mal du regard oblique des passants honnêtes. » Car les regards convergent bien, c'est assez hallucinant. Pourtant on en est pas encore aux bécots. Un couple se tenant par la taille à Kompong Som a réussi à attirer tous les regards des collègues, éberlués par cette audace.
Autre exemple vécu cette fois : alors que je retourne bosser, je rencontre devant le portail du bureau le proprio d'un restau que je connais et qui passe par-là par hasard, je discute une minute avec lui. Je rentre et monte à l'étage où sont les collègues, première chose qu'ils me sortent en ricanant : « Dis donc, c'est ton petit-ami?! » Humpfff mais c'est quoi cette mentalité de pré pubère?? Et oui les relations amicales entre personnes de sexe différent alimentent les cancans de ceux qu'ont rien d'autres à faire. Et c'est là que tu te dis comme une conne « p'tain, faut faire gaffe! » alors que tu n'as rien à te reprocher. La morale des « braves gens » à l'oeuvre! Et Brassens à la rescousse.
Allez, encore un autre : je rentre chez Botum après une partie de badminton avec Samol, la voisine m'attire sournoisement avec trois mini fruits qu'elle me tend et me demande toute fébrile : « et d'où tu viens comme ça?? ». Sûr qu'elle espérait entendre quelques histoires croustillantes en totale exclu VIP. Commérages de concierge :@ MAIS DE QUOI J'ME MÊÊÊÊLE??! Et ce n'est qu'un tout petit aperçu de l'espionnage que doivent subir les khmers de la part de leur famille et entourage...
Heureusement, certaines familles sont plus cool que d'autres. Mais
partout les gens observent ce que tu fais. Ainsi, si j'avais été
un mec, il m'aurait été impossible de vivre chez Botum.
Heulâ, gossip assuré!
Et je ne parle pas des interdits pesant sur les filles, pour les raisons hautement respectables et incroyablement véridiques des célèbres « c'est mal vu » et « c'est pas pareil pour les garçons ». Pis merd, j'en parle, chui lancée là :p C'est parti pour la liste, qui s'étoffera sans doute d'ici mon départ. Donc, « c'est mal vu » pour les filles de : siffloter ; faire des bulles de chewing gum ; s'asseoir en tailleur, sans doute parce que c'est la position la plus confortable s'pas ; porter des jupes trop courtes ou des tee shirts dénudant les épaules (ciel!) ; se séparer de son mari car c'est jamais de sa faute le pôvre ; ne pas être vierge au mariage (mais si, vous savez, ces histoires de jeunes filles pures et fragiles du XIXème siècle...) ; ne pas savoir cuisiner ; avoir les cheveux courts ; avoir un petit ami sans envisager de l'épouser ; sortir après 20h ; allez au karaoké en groupe de filles et garçons mélangés...
Moi c'est différent, chui une bareng, une étrangère, alors on m'excuse mes quelques doigts d'honneur au code patriarcal...
Heureusement les choses changent peu à peu, et en fonction des familles, plus ou moins trad', les djeunss ont plus de liberté. Malheureusement, pour ceux qui tiennent aux coutumes et traditions khmeres. Sûr que je regrette aussi que certains fashions font tout pour ressembler aux amerloques. Mais il doit être possible de préserver son identité culturelle tout en offrant plus de libertés aux individus sacrebleu!